Votre mouvement l’UFC-Que Choisir a réalisé une enquête sur 8 fonds « durables » proposés aux épargnants qui veulent contribuer à la neutralité carbone …
Oui, cette neutralité prônée par l’Union Européenne pour enrayer d’ici à 2050 le dérèglement climatique en cours. Il est en urgent en effet de mobiliser l’argent disponible sur les investissements utiles à l’économie réelle -non spéculative et non orientée sur l’exploitation des énergies fossiles ! De plus en plus de citoyens -conscients des enjeux environnementaux- recherchent en effet des fonds verts en alternative aux fonds traditionnels de placements.
Que montre alors votre enquête sur ces fonds « durables » auprès des principales banques et assureurs qui les proposent ?
Notre étude met à jour des failles béantes aboutissant à une forme d’écoblanchiment intolérable. Alors que ces fonds dits « durables » affichent l’intégration de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance on pouvait logiquement attendre qu’ils orientent leurs investissements vers des secteurs respectueux de l’environnement … ils n’ont en fait aucune obligation de respecter des exigences minimales en la matière !
L’absence d’harmonisation des pondérations des critères ESG ne permet pas la comparaison des offres et le déficit d’encadrement aboutit à de véritables absurdités comme le financement de secteurs notoirement nocifs à l’environnement.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?
Oui les fonds d’Amundi et de Groupama AM ne prennent en considération les critères « verts » dans leurs investissements que pour un tiers ! Autre exemple, le fonds « Actions environnement » de La Banque postale, s’affiche comme étant plus durable qu’un fonds traditionnel alors qu’en fait il soutient des entreprises enregistrant des surconsommations d’eau (+ 52 %) et des surémissions de carbone (+ 34 %) !
Il doit bien y avoir pourtant des contrôles, une réglementation …
Les sociétés de gestion ont recours à des agences de notation pour évaluer les performances de durabilité des entreprises qui peuvent intégrer leurs fonds. Or, cette activité n’est ni standardisée, ni supervisée, ce qui conduit à des divergences méthodologiques affectant gravement sa fiabilité. Ainsi, par exemple, en fonction de l’agence de notation retenue, la consommation d’eau des 600 plus grandes entreprises européennes peut varier selon un rapport allant de 1 à 46 000 !
Non seulement de tels écarts discréditent les placements «durables » mais ces agences sont soumises à un conflit d’intérêts patent. Rémunérées par les entreprises qu’elles notent, comment peuvent-elles être impartiales dans l’analyse qu’elles fournissent aux sociétés de gestion ?
Quid alors du label public ISR (Investissement Socialement Responsable) porté par Bercy ?
On attendait en effet qu’il soit garant d’un standard de qualité élevé. Or ce label ISR, présent dans 84 % des fonds labelisés, est particulièrement laxiste. À ce jour, les fonds labellisés peuvent investir sur le secteur des combustibles fossiles et n’ont aucune obligation d’adopter des plans crédibles pour réduire leurs effets néfastes sur l’environnement et la santé des consommateurs.
Que propose alors votre mouvement ?
L’UFC-Que Choisir demande au ministre de l’Économie d’imposer une révision ambitieuse du cahier des charges du label ISR pour qu’il devienne un réel étalon de la finance durable en excluant les entreprises portant manifestement atteinte au climat , en sélectionnant leurs investissements sur des critères objectifs, et en harmonisant les systèmes de notations des sociétés de gestion pour permettre aux épargnants de comparer les performances de leurs fonds. Voilà nos 3 impératifs pour mettre fin à l’écoblanchiment.