Je m’étonne qu’une association de consommateurs comme l’UFC Que Choisir s’oppose à la suppression des tickets en magasin …
Effectivement la loi anti-gaspillage prévoit l’interdiction de l’impression automatique des tickets en magasin (ticket de caisse et carte bancaire) à compter du 1er janvier 2023. Cela parait aller dans le bon sens mais ça aboutirait de fait à priver les consommateurs d’un véritable choix et par voie de conséquence de leurs droits.
Pouvez-vous nous expliquer ce risque ?
En supprimant par défaut ces preuves d’achat quels que soient le montant et la nature des achats, les consommateurs seraient uniquement informés, par voie d’affichage en caisse, que s’ils souhaitent obtenir un ticket, ils devront en faire expressément la demande !
Or, un seul affichage générique ne garantit pas le respect de leur choix. En effet, il s’ajoutera aux nombreuses mentions déjà présentes en caisse (promotions, produits au rappel, moyens de paiement acceptés, etc.) et sera d’autant moins visible qu’en l’état, les commerçants qui ne préviendraient pas leurs clients ne s’exposeront pas à des sanctions.
La suppression du ticket compromet selon vous l’exercice effectif des droits des consommateurs …
La suppression par défaut du ticket porte les germes d’une explosion des situations où le consommateur sera privé de la possibilité de faire valoir ses droits. En renonçant implicitement les consommateurs se verront exposés au risque de ne pouvoir apporter la preuve de leur achat.
Preuve d’achat indispensable pour se prévaloir des garanties légales ou commerciales, ou encore pour le remboursement en cas de rappel d’un produit alimentaire, ou même procéder à l’échange d’un vêtement que le vendeur avait proposé pour décider le consommateur au moment d’acheter.
Vous redoutez aussi un développement des escroqueries …
Le ticket permet de vérifier l’exactitude du montant de la transaction, une précaution loin d’être anodine pour éviter les erreurs en caisse, comme la non-prise en compte d’une promotion et surtout face au risque accru d’escroqueries aux paiements sans contact en cas de non-impression.
En effet, pour ces opérations, rappelons qu’il n’est pas nécessaire de consulter le terminal où s’affiche le montant avant d’effectuer la transaction. Or le remboursement des escroqueries est encore plus incertain que celui des fraudes à la carte bancaire.
Enfin, le ticket de caisse constitue un outil de gestion du budget familial, qui permet aux consommateurs de matérialiser et de suivre leurs dépenses du quotidien. Dans un contexte d’érosion du pouvoir d’achat, cet élément ne peut être négligé.
Cela représenterait quand même une économie de papier importante …
Si l’ambition de réduire le gaspillage est louable, le décret proposé par le Gouvernement n’en est pas moins inacceptable, a fortiori quand on sait que certains spécialistes évaluent que les émissions de gaz à effet de serre du ticket dématérialisé sont supérieures à celles du ticket traditionnel
Ensuite, car cette mesure ouvre la voie à une dématérialisation à marche forcée du ticket. Elle est donc susceptible de faciliter via des techniques marketing la création de base de données par les commerçants et notamment d’entraîner l’essor de publicités intrusives ou non désirées.
Que proposez-vous alors ?
Nous militons pour une consommation responsable, mais
celle-ci ne saurait se faire au détriment des droits fondamentaux des consommateurs. Nous appelons donc le Gouvernement à revoir sa copie : le droit pour un consommateur d’obtenir un ticket de caisse ne sera réellement préservé que si le choix lui est systématiquement proposé.