Transferts d’argent
Bonjour …
Votre mouvement avait porté plainte contre deux établissements financiers pour pratiques commerciales trompeuses. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Il faut tout d’abord rappeler que les résidents français transfèrent des milliards d’euros à des particuliers installés à l’étranger, le plus souvent à des proches (résidents d’origine étrangère, parents envoyant de l’argent à des enfants étudiant à l’étranger, etc.). Les dirigeants du G20 s’étaient engagés en 2009 à réduire de moitié les tarifs de ces opérations à horizon 2030, mais ils demeurent particulièrement chers aussi l’UFC-Que Choisir a dénoncé le scandale des frais cachés sur les opérations internationales réalisées en devises étrangères. Les tarifs de ces prestations y sont en effet nettement supérieurs à la moyenne européenne, du fait d’une concurrence défaillante, ce qui affecte particulièrement les clients les plus vulnérables.
Le contexte actuel rend le problème particulièrement crucial, je suppose ..
En effet, La guerre contre l’Ukraine a déclenché une crise humanitaire majeure. Depuis février, plus de 4 millions d’Ukrainiens ont quitté leur pays pour rejoindre un État de l’Union européenne. Dans ce contexte, ils sont nombreux à réaliser des transferts d’argent pour aider leurs proches qui souhaitent rester dans leur pays ou qui n’ont pas encore pu fuir la guerre. Or, sept mois après le début de la guerre en Ukraine, seize établissements financiers européens se sont engagés à réduire leurs frais de transfert jusqu’à la fin du conflit … mais ni les mastodontes du secteur (comme Western Union ou MoneyGram), ni les banques françaises n’ont jugé bon de s’associer !
Cet événement tragique met en lumière que la concurrence n’a pas de prise sur les frais de transferts qui sont particulièrement chers. À titre illustratif, un envoi de 180 euros de France vers l’Ukraine coûte 13 euros en moyenne, un montant qui peut atteindre jusqu’à 44 euros selon le prestataire.
Comment expliquer la persistance du problème, ce matraquage des consommateurs les plus modestes ?
Tout simplement par le manque de vigilance des pouvoirs publics sur les dysfonctionnements de marché. Prenez le cas de la Banque Postale par exemple avec son double-jeu dans le cadre de son partenariat avec Western Union. Alors que La Poste dispose de son propre service de transfert proposé à un tarif réduit, la prestation Western Union qu’elle distribue également est systématiquement plus chère que la concurrence., avec des commissions dégressives selon les montants envoyés, dont la disproportion est édifiante. Pour un transfert d’un montant de 100 €, la prestation coûte 10 % du montant envoyé et jusque 25 % pour une opération de 20 €. Faut-il rappeler que la Banque Postale bénéficie, par ailleurs, de 220 millions d’euros d’aide publique par an au titre de sa mission d’inclusion bancaire auprès des publics fragiles ?
Peut-on chiffrer le préjudice des frais cachés ?
Oui hélas, notre étude avait déjà révélé l’opacité scandaleuse entretenue par les sociétés de transferts d’argent sur la facturation de frais de change : Cela représentait en 2017 110 millions d’euros de frais de change cachés aux consommateurs !
Que propose votre mouvement ?
L’UFC-Que Choisir exige que la Commission Européenne use de ses prérogatives pour instaurer une réelle transparence sur les frais de transfert vers l’Ukraine, mais pas seulement. Cela nécessite d’instaurer des sanctions dissuasives à l’encontre des établissements financiers qui entretiennent une intolérable opacité sur le montant des frais de change qu’ils facturent. En effet, assurer les conditions d’une saine concurrence constitue la seule mesure de nature à faire durablement baisser les tarifs pour permettre aux consommateurs de jouer leur rôle d’arbitre du marché