Fracture sanitaire
Votre mouvement vient de publier une carte interactive avec pour titre « l’intolérable fracture sanitaire » …
Oui nous constatons à nouveau l’état déplorable de l’accès aux soins en France. Après deux études en 2012 et 2016 nous venons de déterminer pour chaque commune française l’accès aux soins en combinant à la fois l’éloignement géographique des médecins et les tarifs pratiqués. Et c’est consternant : L’accès à la médecine de ville est particulièrement compliqué pour les spécialistes. Nous mettons à disposition ces éléments gratuitement sur notre site www.quechoisir.org
Pouvez-vous nous donner quelques exemples de votre analyse ?
En prenant en compte l’offre médicale accessible à moins de 45 minutes de route, notre étude montre que 19 % des habitants du pays (soit 12,3 millions de personnes) résident dans un désert médical pour l’ophtalmologie. En proportion, la situation est encore plus dégradée pour les gynécologues, avec presque un quart des femmes qui vivent dans un désert médical. Et c’est pire pour les enfants car plus d’un quart d’entre eux sont loin des pédiatres.
Qu’en est-il pour les généralistes ?
Si les déserts médicaux sont moins importants pour les généralistes, la situation n’en reste pas moins préoccupante puisque 23 % des usagers éprouvent des difficultés pour accéder à moins de 30 minutes de route à ce maillon essentiel du parcours de soins.
Avec notre carte interactive de la fracture sanitaire, chacun peut vérifier l’accès aux soins à partir de sa commune et interpeller directement ses parlementaires.
Comment analysez-vous le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 ?
Il aggrave la fracture sanitaire. Il met en évidence l’absence d’une volonté politique du Gouvernement pour permettre un égal accès aux soins pour tous les usagers, pour réguler l’installation des médecins, et mettre un terme aux dérives des dépassements d’honoraires.
Nous nous plaçons concrètement dans la situation des usagers en prenant en compte les tarifs pratiqués par les médecins car le frein financier est la première explication (29 % des cas) du renoncement aux soins des patients.
Vous dénoncez encore les dépassements d’honoraires …
Oui car 46 % des pédiatres, 64 % des ophtalmologues et 68 % des gynécologues pratiquent des dépassements d’honoraires et si l’on ne prend en compte que l’accès aux médecins ne pratiquant pas de dépassements d’honoraires, la pénurie de médecins croît de manière affolante ! La part des enfants vivant dans des déserts médicaux pédiatriques passe ainsi à 46 % et celle des femmes résidant dans des déserts médicaux gynécologiques à 66 %. Idem pour les ophtalmologues ! et, contrairement aux idées reçues, les déserts médicaux concernent aussi bien les zones rurales qu’urbaines.
Que propose votre mouvement l’UFC-Que Choisir ?
Nous demandons la mise en place de mesures concrètes et ambitieuses à même de rendre enfin effectif le principe de l’égal accès aux soins de tous avec notamment trois mesures :
- instauration d’un conventionnement territorial des médecins, ne leur permettant plus de s’installer en zones surdotées,
- fermeture de l’accès au secteur 2 (à honoraires libres) à l’origine du développement incontrôlé des dépassements d’honoraires.
- Suppression des aides publiques aux médecins ne respectant pas le tarif de la sécurité sociale