L’aspiration générale à bénéficier d’un temps moins contraint et d’une meilleure maîtrise de sa propre vie doit alerter les managers. Elle interroge aussi le management lui-même et ce qu’il est capable d’offrir au travail.
En 2021, le Tripode publiait un drôle d’ouvrage : « Paresse pour tous » d’Hadrien Klent. Gros succès en librairie, l’ouvrage a été réédité encore tout récemment. Titre provoquant dans une société en accélération permanente, en compétition généralisée, en croissance permanente, pour accumuler des objets matériels, épuiser les ressources fossiles, dévaster l’environnement, développer les inégalités… Voilà pourquoi ce slogan égalitaire « Paresse pour tous » percute celles et ceux qui s’accrochent encore au deuxième principe inscrit aux frontons de nos mairies.
Organisation du temps de travail : des pistes à explorer, des défis à relever
Construire sa propre vie
Le mot paresse est encore plus provocant que celui d’égalité. Il évoque l’oisiveté, le délabrement dans nos imaginaires formatés par la course à l’efficacité, au toujours plus. Pour l’auteur, « La paresse, ce n’est ni la flemme, ni la mollesse, ni la dépression. La paresse, c’est tout autre chose : c’est se construire sa propre vie, son propre rythme, son rapport au temps – ne plus le subir. » Son livre décrit la dynamique d’une équipe partie de rien dans un contexte d’élection au plus haut niveau de la nation, c’est-dire l’ambition et l’originalité d’une remarquable conduite de projet.
Que de temps gagné si on généralisait le principe de subsidiarité au lieu de s’épuiser dans d’interminables réunions !
À travers cette fiction, nous pouvons retrouver tous les facteurs de succès du management que ce soit dans les méthodes de travail ou dans l’ajustement des comportements et la recherche de cohérence. Que de temps gagné par exemple si on généralisait le principe de subsidiarité au lieu de s’épuiser dans d’interminables réunions !
Quand le travail consume: lutter contre le burn-out dans vos organisation
La pente mortifère de l’aliénation
La question du sens du travail irrigue chacun des protagonistes et nous donne à voir l’enjeu permanent du recentrage sur les priorités en ligne avec la finalité de l’organisation. De même, nous sommes interpellés sur les modalités du temps de travail à l’heure des échanges virtuels et des plateformes collaboratives mais également sur sa durée alors que subsiste encore une survalorisation du cadre qui reste au bureau tard le soir…
Cette lecture salutaire ne peut que provoquer la colère des managers de la marchandisation du monde
Cette lecture salutaire ne peut que provoquer la colère des managers de la marchandisation du monde, ceux qui mettent en œuvre chaque jour la dérive financière de l’économie jusque dans la sphère publique. Il suffit d’observer la réduction constante du périmètre des biens communs de l’humanité jusque dans nos territoires…
Ce n’est pourtant pas faute d’avoir été prévenu de la pente mortifère que constitue cette aliénation de nos imaginaires et de nos forces de travail au dieu Chronos. Il suffit de relire les analyses de nombreux auteurs depuis un demi-siècle (1).
Alors, retroussons nos manches pour « sortir d’un productivisme morbide et redécouvrir le bonheur de vivre » !
(1) Jacques Ellul, Georges Bernanos, Ivan Illich, Bernard Charbonneau, Paul Virilio, Hartmut Rosa, Günther Anders, Jean-Claude Michéa, etc.